Points clés :
Descartes définit un objectif comme ce « qui constitue un concept, une représentation de l'esprit et non une réalité formelle » (1642). Étymologiquement, ce mot est dérivé du mot “objet” issu du latin objectum (« ce qui est placé devant »). Il est formé du verbe jacere (« jeter ») avec le préfixe ob- (« devant »). Un objectif est donc la projection d’un désir exprimé, un futur souhaité qui ne s’est pas encore réalisé. La notion d’objectif imprègne depuis toujours la stratégie d’entreprise. Mais elle est aussi associée à des considérations et pratiques implicites. Nous en avons repéré 4.
Les conséquences de ces pratiques sont nombreuses. Elles peuvent être à l’origine de problèmes : Problème n°1 : à notre connaissance, il n’existe pas de méthode pour relier des objectifs. Exemple : je veux réduire ma dépendance au gaz et diminuer mon nombre d’articles en stock. Il y a des chances que les deux objectifs soient vus comme séparés et confiés à des équipes différentes. Pourtant, diminuer le nombre de références diminue la consommation d'énergie. En général, on ne cherche pas nécessairement à relier les deux car on considère à tort que cela revient à compliquer le travail des équipes. Problème n° 2 : les équipes sont peu motivées car les objectifs sont souvent imposés à ceux qui doivent les atteindre. Les stratèges ne sont pas les exécutants. Problème n°3 : un objectif peut devenir une prophétie autoréalisatrice. Sa simple formulation suffirait pour qu’elle se réalise une fois posée. Dans les méthodes classiques comme OKR, la finalité de l'objectif n'est pas connue. Il se suffit à lui-même. Problème n°4 : les objectifs sont dans un futur hypothétique car on décrète des moyens qui n'existent pas encore. Ceci induit une démarche basée sur l'essai-erreur conduisant au succès ou à l'échec. Heureusement, une réponse peut être apportée à chacun de ces 4 problèmes. Quelle alternative proposons-nous ? Celle d’une démarche en 3 étapes. Étape 1 : Expression d’une pluralité d’objectifs Des objectifs sont énoncés sur la base de futurs souhaités par les membres d’une équipe. L’occasion leur est donnée d'exprimer ce qu'ils ont envie de réaliser, sans oublier les objectifs de l'entreprise elle-même. Par exemple, nous nous sommes confrontés à cette démarche pour le projet Effectual Impact. Ce projet vise à permettre la compréhension de l'Effectuation et des méthodes effectuales au plus grand nombre. Les objectifs de l'équipe d'Effectual Impact ont été exprimés ainsi :
Cette étape permet le partage des objectifs de chacun en les rendant explicites et compréhensibles par tous. Ainsi, nous répondons partiellement au problème n°2 : “Les équipes sont peu motivées car les objectifs sont souvent imposés à ceux qui doivent les atteindre”. Étape 2 : l'arborescence effectuale des objectifs Montrer que ces objectifs peuvent être reliés entre eux par la logique effectuale. Obtenir de l'audience permet de vivre de sa passion et récolter les fruits de l’énergie consacrée au projet. Vivre de sa passion permet d'obtenir de l'impact qui permet d'obtenir des preuves de l'utilité de son travail. Les fruits de l’énergie consacrée au projet permettent d'organiser une conférence payante qui permet d'obtenir des revenus décorrélés du temps passé. Cette étape permet d'aligner des objectifs qui semblaient hétérogènes. Leur sens est renforcé. Les objectifs étant reliés, ils ne sont plus indépendants. Cela résout désormais le problème identifié préalablement, à savoir que les objectifs ne sont plus décrétés par le seul chef. Ainsi, les équipes gagnent en motivation. Notons que les problèmes 1, 2 et 3 ont disparu. Étape 3 : connecter les moyens du présent aux futurs souhaités, c’est-à-dire à l'arborescence effectuale des objectifs Regarder dans le présent les moyens disponibles au regard de ces objectifs. En déduire des effets atteignables immédiatement s’ils représentent un progrès significatif vers l’objectif souhaité. Pour identifier les moyens, il suffit de répondre aux 4 questions que propose Saras Sarasvathy (Qui sommes-nous ? Que savons-nous ? Qui connaissons-nous ? Que pouvons-nous faire ?). Qui sommes-nous ? Nous sommes des spécialistes de l’Effectuation et des méthodes effectuales. Que savons-nous ? Notre capacité de production de contenus (articles et vidéos) permet d’ores et déjà d'avoir de l'audience. Un livre est réalisable à partir des contenus existants. Qui connaissons-nous ? Le réseau SKEMA nous permet d'accéder à une infrastructure, dont des salles de conférence. Que pouvons-nous faire ? Organiser une conférence dans les locaux de SKEMA et vendre le livre à cette occasion. Cela constitue un progrès important vers la conférence payante et satisfait aussi le souhait d'obtenir un revenu décorrélé du temps passé. Une fois que la conférence sera réalisée, une nouvelle itération de l'étape 3 permettra de se saisir des nouveaux moyens de ce "nouveau" présent et ainsi de suite. Désormais, il n'y plus de futur hypothétique car le présent d'aujourd'hui est relié à l'arborescence des objectifs (étape 2). Ce sont bien les moyens d'aujourd'hui qui permettent un progrès vers le futur souhaité (étape 3). Le problème 4 est donc résolu. Qu'est-ce que cette nouvelle méthode effectuale permet ?
Ceci augmente la faisabilité. La motivation est accrue, car un résultat tangible à court terme est préférable à un objectif lointain hypothétique. Nous souhaitons que les entreprises puissent envisager la prise en compte d’objectifs selon une approche différente de la pratique courante. Elles ont toutes à y gagner dans un monde devenu très incertain, où le besoin de l’engagement de toutes les parties prenantes est un facteur de succès. Le modèle dominant de l’hypothèse suivi de l'essai-erreur n’est plus en situation de monopole. Nos futurs souhaités ne doivent plus être oblitérés par un futur hypothétique. Autre cas d'application de la méthode Effectual Goals : le cas de la publication d’un livre pour enfant avec Chat GPT
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