Nature Reserve – NEOM, Saudi Arabia

Libérer l’action collective en simplifiant notre manière de raisonner : quand l'excès d’analyse nous empêche d’agir

Libérer l’action collective en simplifiant notre manière de raisonner : quand l'excès d’analyse nous empêche d’agir

Points clés : 

  • Il est possible de se sortir d'un raisonnement tortueux qui empêche de résoudre un problème en identifiant les quatre types de liens utilisés pour explorer à partir d’une situation : lien d'appartenance, lien de causalité, lien effectual et lien de redondance.

  • Ces liens permettent de contextualiser ou expliquer une situation mais peuvent également mener à l'incapacité de savoir par quel bout prendre le problème.

  • Il est conseillé de se focaliser sur le lien effectual en particulier et de ne pas basculer entre les différents liens. Cela permet de trouver des pistes d'actions concrètes.

  • Cette approche est applicable à tout type de situation complexe et peut être utilisée en intelligence collective pour faciliter l'action.

Qui ne s’est jamais retrouvé avec une pensée qui tourne en rond et l’empêche de résoudre un problème ? Il est possible de sortir d'un raisonnement tortueux qui ne permet pas de reprendre le contrôle.

Prenons le cas d’une situation difficile que l’on peine à résoudre comme celle des déserts médicaux en France. Pour l’aborder, le fonctionnement classique de notre cerveau est de relier différents éléments pour l’analyser. Relier, c'est produire des inférences de telle sorte qu’une chose prend sens au regard d’une autre.

Voici quelques éléments de la situation qui pourraient émerger en première analyse :

  1. Les déserts médicaux font partie des questions relatives à l’accès aux soins.

  2. Les déserts médicaux sont causés par le manque de médecins, lui-même causé par la politique du numerus clausus.

  3. Les déserts médicaux contribuent à la surcharge des urgences.

  4. On retrouve souvent des déserts médicaux dans les zones rurales.

Quatre types de liens qui nous sont familiers à propos d’une situation

Lien d’appartenance : nous avons besoin de ce lien quand nous souhaitons rattacher la situation à un ensemble connu. C’est le cas quand nous affirmons que les déserts médicaux font partie de l’accès aux soins (cas de l’inférence n°1).

Lien de causalité : il est très utile pour chercher ce qui a provoqué la situation. Les déserts médicaux sont causés par le manque de médecins, lui-même causé par la politique du numerus clausus (cas de l’inférence n°2).

Lien effectual : quand nous cherchons ce que peut produire la situation. Par exemple, les déserts médicaux contribuent à la surcharge des urgences (cas de l’inférence n°3).

Lien de redondance : Il s’agit d’un lien de similarité entre deux éléments. On retrouve souvent des déserts médicaux dans les zones rurales (cas de l’inférence n°3). Les deux sont alors souvent confondus.

Nous utilisons ces quatre liens tous les jours sans nous en apercevoir car ils nous permettent à partir d’une chose (A) vue comme point de départ de penser à une autre chose (B) qui lui est directement reliée. En d’autres termes, nous considérons A comme certain et ce A nous permet de trouver une information qui lui est directement connectée. Ainsi, on voit apparaître des concepts relatifs au sujet central (le désert médical), notamment le problème auquel il se rattache qui est “l'accès au soin”, ses causes, ses conséquences et les redondances associées. En foisonnant ainsi, on en connaît plus sur la situation. 

Cependant, le fait de passer d’un type de lien à un autre sans en avoir conscience n’est pas sans poser de problème. Notamment, je ne sais pas sur quoi me poser. Mon attention n'est pas focalisée car elle bascule entre description des contraintes, explications et les conséquences du problème. 

Si cette combinaison des 4 types de lien m'a permis de contextualiser, je suis dans l'incapacité de savoir par quel bout prendre et hiérarchiser parmi les concepts. Le risque est de ne rien faire car nous n'avons pas de réponse complète à toutes les causes. De plus, je n'ai pas défini ce sur quoi je peux agir.


Filtrer les informations inutiles pour agir

Essayons de n’utiliser que des liens effectuals et de redondance.

Je constate qu'à chaque fois que je veux prendre un rendez-vous avec un médecin, c'est la galère car j'habite dans une zone rurale qui est un désert médical (lien de redondance entre zone rurale et désert médical). Imaginons que je sois un citoyen amoureux de ma région et désirant y vivre en bonne santé. Les déserts médicaux réduisent les accès aux soins en médecine libérale, ce qui rend le territoire peu attractif à l'installation de nouvelles familles, y compris les médecins eux-mêmes (lien effectual m’ayant fait passer du désert médical à l’attractivité du territoire).

Agir à partir du problème plutôt que de chercher à tout comprendre

À ce stade, cette analyse est suffisante pour dégager des enjeux clairs.

En tant que citoyen, je peux identifier et communiquer sur les initiatives et moyens existants qui valorisent le territoire. Exemple, faire un site Internet qui recense les initiatives et valorise l'entraide au sein du territoire pour organiser des trajets vers les unités de soins disponibles. Une autre personne retraitée pourra proposer ses services pour garder les enfants du médecin.

D'un problème qui me paraissait étranger, je me le suis réapproprié et j’en deviens pleinement acteur. Au-delà d'une contextualisation, je peux reprendre pied. Je passe de "j'ai compris le problème" versus" j'ai compris comment agir à la place qui est la mienne face au problème".

Un engagement collectif facilité

Imaginons la puissance de plusieurs actions mises en œuvre. Ce serait le problème qui en serait modifié. On peut même rêver en considérant que, rassuré de voir autant d'initiatives sur un même territoire, ce dernier pourrait devenir à nouveau attractif et attirer des médecins.

C'est la manière de voir le problème qui change. Les liens de redondance et effectuals permettent de s'atteler à la façon de se représenter des possibilités qui sont un progrès quelle que soit la situation de départ. Dans un cas, on est bloqué ; dans l'autre cas, on voit des possibilités incitant à l’action.